Le moral dans les chaussettes, puis la dépression, puis l'envie d'en finir. Cela peut nous arriver à tous dans un moment compliqué de notre existence. Nos proches ne sont pas toujours les mieux placés pour nous aider, d'autant qu’à ces moments-là, toute personne dépressive a plutôt tendance à s'isoler. Le médecin traitant, ou le psychologue consulté par avant, n’est pas toujours disponible, et le sentiment d’isolement, de fatalité, de non-issue, peut pousser la personne en souffrance à un acte irréparable. 

Le déni, un mal silencieux

C’est de sa longue pratique en Santé publique qu’un médecin, chercheur à l’Inserm, le Pr Karine Chevreul, a décidé de lancer une application pour aider les personnes en souffrance à prendre conscience de leur état et à appuyer sur la sonnette d’alarme.
« On sait que la grande majorité des gens en grande souffrance sont dans le déni et ne veulent pas consulter, explique le Pr Chevreul, interrogée par les médias à l'occasion du lancement de l'application. La grande majorité des gens qui ont fait une tentative de suicide sont allés voir leur généraliste deux semaines avant. Mais ils ne parlent pas forcément de leur mal-être. Ils vont consulter pour un mal de dos, pour un mal de ventre… ».
D’autres ne consultent pas. « Quand on est confronté à un moment de déprime, on se dit tous que ça va passer, que ça va aller mieux dans quelque temps », regrette la chercheuse. Et à force de négliger sa santé psychique, petit à petit, on peut sombrer dans le marasme le plus noir. « Pour réagir, il faut avoir conscience de son état, en connaître les symptômes », rappele le Pr Karine Chevreul. Et c’est justement à cela que répond l’application que son équipe a mis au point et qui est actuellement déployée à La Réunion mais essentiellement sur le territoire de Saint-Paul (pour l’instant). 

 

Des vidéos explicatives, des témoignages déculpabilisants

Sur l’application, vous pouvez rentrer votre profil, cocher les cases qui définissent votre état psychique, les signes qui l’accompagnent comme la perte d’appétit, les troubles du sommeil. L’application donnera une appréciation de votre état et des conseils pour réagir. « Il y a des vidéos de professionnels de santé qui décodent ces symptômes et donnent des conseils d’orientation. Il y a aussi des témoignages de patients qui expliquent comment ils ont réussi à reprendre confiance, à se sortir de ce marasme. » Les témoignages sont importants pour que la personne en souffrance puisse s’identifier au témoin et trouver dans ce partage d’expérience l’envie de s’en sortir. « L’objectif de l’application, c’est de faire sortir les gens du déni et de les inciter à aller parler de leur état à un professionnel de santé, ou à une association d’aide recensée sur l’application. »

L’application, toujours par le biais de vidéos, explique le rôle de chaque profession de santé : médecin généraliste, psychiatre, psychologue, et celui des associations d’aide.

L’application, par un système de géolocalisation, sélectionne des professionnels de santé disponibles que la personne en souffrance peut aller consulter. A La Réunion, si l’application est utilisable partout, la sélection des thérapeutes se limite pour l’instant à Saint-Paul. Mais pour se décider à consulter, il ne faut pas être au bout du bout du rouleau. Si c’est le cas, il existe un bouton d’urgence que la personne dépressive peut actionner. Elle aura pris soin avant de renseigner qui elle souhaite voir averti : médecin, proches, association….

Un financement totalement public

Egalement consultable sur le site internet www.stopblues.fr, Stop Blues est une application fiable, qui ne cache aucune contrepartie financière ou mercantile. « Cette application est un produit de l’Inserm, entièrement financé par l’argent public », conclut le Pr Karine Chevreul. Grâce aux informations recueillies par Stop Blues, anonymes, l’application vient renseigner des études de recherche dont le but est d’apprécier si ce type d’applications peut être utile pour limiter voire éviter le passage à l’acte.
Il ne reste plus qu’à espérer que la géolocalisation des professionnels compétents disponibles soit bientôt étendue à toute l’île de la Réunion. Parce que deux Réunionnais par mois qui décident d’en finir, souvent des adolescents ou des personnes d’un certain âge, c’est deux personnes de trop. 

Mireille Legait / www.formeetbienetre.re / le quotidien santé de La Réunion