Vers 3 ou 4 ans, votre marmaille se met à parler de son ami « Paulo » qui est sympa, drôle, courageux, grand et costaud, qui aime les bonbons mais pas les légumes verts ou qui n’a pas peur du noir… « C’est le moule du héros ! L’ami imaginaire est un peu l’ancêtre du meilleur ami, l’enfant lui prête toutes les qualités, il projette sur lui ce qu’il voudrait être », indique le Professeur Marcel Rufo, pédiatre et pédopsychiatre.

Est-ce normal ou pas ?

Dès qu'il commence à maîtriser l'art de la narration, votre enfant peut exprimer le besoin d'un objet transitionnel qui ne soit pas forcément matériel, tel qu'un doudou. Il s’agit d’une étape normale dans la construction psychique de votre enfant. Et ce n’est pas propre aux enfants uniques, à ceux qui se sentent seul, s’ennuient, sont timides…

« S’inventer un ami imaginaire est signe de bonne santé mentale, ajoute le spécialiste. Mais il peut être aussi la base d’une obsession. Par exemple, ce petit garçon qui, avant de s’endormir, allait dans le jardin pour toucher une pierre bien précise représentant son ami imaginaire. »

Vu du côté de l'adulte, et notamment des parents, cette lubie, surtout si elle s'accompagne d'un rituel immuable, peuvent paraître inquiétantes. « Mais les parents ne doivent pas se précipiter chez le médecin systématiquement pour consulter. Nous avons tous en nous, une part d’obsession qui est naturelle. Mais il ne faut pas que ces rituels prennent le pas sur sa pensée », précise Marcel Rufo.

Vous avez peut-être peur que votre petit rêveur ne fasse pas la différence entre réel et imaginaire. « Mais, même les plus inventifs gardent la maîtrise de leur imagination », note le pédiatre. Et quand ils rencontrent d’autres enfants, ils délaissent bien vite leur ami imaginaire pour jouer avec leurs petits camarades qui sont, eux, bien réels.

Respectez cet ami invisible

Comme votre bambin a donné un petit nom à son doudou, il en attribue aussi un à son ami imaginaire qui peut revêtir n’importe quelle forme, un petit personnage, un jouet ou au contraire ne pas être matérialisé.

Si avec le doudou, il y a un certain nombre de règles à suivre, avec l’ami imaginaire aussi. Vous devez le respecter sans vous l’approprier et ne pas trop vous mêler de ces histoires. « Les parents ne sont pas des chercheurs d’intimité. C’est l’enfant qui décide d’en parler ou non et ses confidences doivent être reçues comme un trésor. Mais il vaut mieux éviter de poser tout un tas de question au sujet de cet ami. Les enfants savent très bien que leur compagnon imaginaire n’existe pas vraiment, mais attention, le « pour de rire » est très sérieux pour eux », précise Marcel Rufo.

Un remède à la peur

Il est un allié précieux pour aider votre enfant à apprivoiser des situations de la vie courante. « L’ami imaginaire est un médicament générique contre la peur, il l’aide à surmonter des situations difficiles comme lorsqu’il faut se mettre au lit. Votre bout de chou est rassuré car il sait qu’il veille sur son sommeil. Il lui permet aussi de régler un certain nombre de pulsions (sa haine, son agressivité, son égoïsme) sans se référer à une personne de son entourage. Et il est un messager utile pour dire ce qu’il a sur le cœur sans remettre en cause l’amour qu’il a pour ses parents », indique le spécialiste.

L'ami imaginaire l’aide à constituer sa personnalité, à se connaître et l’encourage dans sa découverte du monde. Si l’enfant a un ami privilégié, il peut aussi créer d’autres personnages imaginaires qui ont chacun une spécialité, l’un sera le compagnon des repas, l’autre de la toilette…

Un bouc-émissaire bien pratique

L’ami imaginaire peut aussi devenir un complice de ses bêtises. « Il peut alors se défausser sur lui. Mais les parents ne doivent pas être dupes et ne pas réprimander l’ami imaginaire à la place de leur petit chenapan », affirme Marcel Rufo.

« L’ami imaginaire n’est pas un double de votre enfant car ce dernier ne fusionne pas avec lui. Il veut plutôt le maîtriser. C’est son objet, sa chose qui est à sa disposition. Et de temps en temps, il le maltraite, il lui en veut pour ne pas s’en vouloir à lui-même », ajoute le spécialiste.

Son compagnon favori finira par disparaître aussi brusquement qu’il est apparu. C’est le signe que votre enfant n’a plus besoin d’un objet transitionnel. Mais son compagnon fidèle restera présent dans ses souvenirs !

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