Ce remède, baptisé Covid Organics, c’est une tisane, à partir d’une plante médicinale dont le président avait interdit la vente à l’export il y a quelques semaines. Cette plante, c’est l’artemisia. Ses propriétés sont antipaludéennes, comme la chloroquine et l’hydroxychloroquine. L’artémisia est d’ailleurs utilisée par l’industrie pharmaceutique pour fabriquer le principe actif des médicaments anti-paludisme, l’artémisinine. Jusqu’ici tout va bien. Mais dès que l’on parle tisane, les scientifiques avalent de travers. Pourquoi ?
En effet, l’usage de cette plante est très controversé. L’Académie de médecine, en France, l’a interdit il y a quelques années, comme d’autres pays européens. Selon l’OMS qui s’est positionnée contre son utilisation sous forme de tisane en 2012, le remède serait trop aléatoire. En effet, la teneur en principe actif varie selon la région où pousse la plante, les conditions météorologiques, les modalités de stockage. Si la plante est insuffisamment chargée en artémisinine, l’effet thérapeutique ne sera pas probant. La particularité d’un médicament, c’est le dosage et les antipaludéens n’y échappent pas. Or dans une infusion, c’est impossible de contrôler le dosage du principe actif. Qui plus est, on imagine mal qu’avec une seule tasse de tisane on puisse guérir la maladie, il faudrait donc en boire une quantité importante.
Un risque de résistance des parasites
Autre souci déjà rencontré dans les années 1960 avec la chloroquine, le risque de créer des parasites résistants au principe actif. D’où la recherche menée sur de nouveaux médicaments associant à l’artémisinine d’autres molécules, afin de limiter le risque d’apparition de résistances. L’apparition de parasites résistant à la chloroquine est la principale raison pour laquelle cette molécule n’est quasiment plus utilisée pour lutter contre le paludisme. Si le même scénario se reproduisait avec l’artémisinine, la situation deviendrait rapidement problématique parce que c’est le seul principe actif efficace connu.
Rien n’indique à l’heure actuelle que la consommation importante de tisane d’artemisia puisse provoquer des résistances du parasiste au principe actif. Mais peut-on s’exposer à ce risque alors qu’il n’existe pas encore de plan B pour traiter le paludisme ?
Qui plus est, les scientifiques qui se sont exprimés depuis quelques années autour de la polémique entourant la tisane anti-paludisme ont tous souligné la nécessité d’études poussées tant sur l’efficacité réelle de la potion que sur son innocuité. Une tisane, c’est naturel. D’ailleurs, pendant l’épidémie de chikungunya, beaucoup de Réunionnais se sont soignés avec de la tisane de zamal pour faire baisser la fièvre. Mais les plantes, pour naturelles qu’elles soient n’en sont pas forcément inoffensives.
Déconfinement programmé à Madagascar
Quoi qu’il en soit, Madagascar, qui ne dispose pas des moyens sanitaires des pays plus développés, a décidé de jouer la carte artémisia et de faire boire de la tisane aux enfants afin de les renvoyer progressivement à l’école dès mercredi. Les transports publics vont reprendre du service petit à petit. Le déconfinement est en marche sur la Grande Ile. Nul doute que son bon déroulement sera scruté attentivement par de nombreux pays en quête de solutions pour venir à bout du Covid-19.
Mireille Legait / www.formeetbienetre.re / Le quotidien santé de La Réunion
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