On peut aimer à tout âge, c’est bien connu. Et à La Réunion où depuis des lustres l’amour se conjugue souvent au pluriel, c’est encore plus vrai qu’ailleurs. Quand le couple explose, de plus en plus fréquemment au moment de la retraite (en France, 15 000 seniors ont divorcé après 35 ans de vie commune, chiffres 2012), quelle relation amoureuse peut-on renouer ?  

« Après mon divorce, j’ai fait le deuil de la passion sexuelle et de toute façon c'était déjà le cas avant », s’amuse Denyse, 67 ans, divorcée à 59 ans et qui a noué depuis quinze mois une amitié amoureuse avec Guylain, 71 ans. Lui ne s’est jamais marié mais a eu plusieurs vies « conjugales », parfois en doublon, avec des femmes plus jeunes que lui, avant de passer par une phase de solitude, à 68 ans. « Physiquement, ça n’allait plus », reconnait-il, un peu gêné. Normal. Les fameuses « pannes » des hommes, qu’ils n’osent pas évoquer, « privilège » de l’âge.

Oser la rencontre inopinée

Denyse et Guylain se sont rencontrés par hasard, à Saint Pierre, sur le marché. Une discussion entamée après que le panier de courses de Denyse se soit renversé suite à une maladresse de Guylain. « Je lisais – et lis toujours pour rigoler – des petites annonces de rencontres dans un journal, mais je n’aurai jamais répondu. Ca me parait tellement risqué, tellement pas naturel, ces rencontres. Et puis, ce sont souvent des hommes qui cherchent des jeunesses, ou des hommes mariés qui veulent de l’aventure ».

Là, la rencontre était inopinée, directe, humaine. S’en est suivi un verre offert par le coupable pour se faire pardonner sa maladresse, un échange de numéros de téléphone, une invitation autour d’un carry pique-nique. Et puis, voilà… un jour, l’envie d’aller plus loin. Dans la douceur, la sensualité.

Une relation qui renforce l’estime de soi

Et pourtant, entre cette cadre bancaire retraitée et ce travailleur manuel lui aussi en retraite, la rencontre amoureuse ne coulait pas de source. Pour Denyse, trente ans plus tôt, cette rencontre aurait tenu de la mésalliance : « A notre âge, on ne fait plus attention à tout ça, on n’est plus dans la compétition sociale, on est plus authentique ». Autrement dit, à 60 ans, on ne cherche plus un statut social dans le couple mais à vivre une vraie rencontre pour briser la solitude, qui détruit l’estime de soi.

« Cette relation m’a redonné envie d’être féminine, d’oser les décolletés, de mettre du rouge à lèvres, des talons, rien que ça, ça me comblait. La passion amoureuse, c’est destructeur, on a peur sans cesse de ne pas être à la hauteur, que l’autre nous quitte, alors qu’à notre âge, on prend le meilleur, la tendresse, l’envie d’être bien pour soi, pour l’autre », explique Denyse.

Guylain est plus pudique, mais on retient des quelques mots tirés qu’il se sent apaisé depuis que sa relation avec Denyse a pris un tour amoureux, qu’il a retrouvé une raison de se lever le matin, l’envie de faire plaisir à quelqu’un.

La tendresse plutôt que le sexe

La clé de leur relation ? La tendresse. Des bisous, des mains qui se trouvent. Parfois plus… « On est allés « plus loin » une fois qu’on se connaissait suffisamment, au moins six mois après notre rencontre. Contrairement aux jeunes qui « font ça » très vite, maintenant, on a eu besoin de temps, pour ne plus avoir peur du regard de l’autre. Forcément, on a un peu peur, toujours, c’est pour cela que la tendresse, c’est rassurant à notre âge », confie Denyse.

Et le dialogue. « Parler ensemble de notre passé, ça permet aussi de se pardonner les échecs, de mieux comprendre pourquoi ça n’a pas fonctionné, sans avoir peur du jugement de l’autre. A 40 ans, je n’aurais certainement pas été aussi indulgente envers les erreurs avouées d'un homme avec qui j'envisage une relation, de peur d’être victime d’un coureur de jupons. »

Des concessions plus faciles

Les crises ? Les fameuses scènes de ménage ? « On se chamaille parfois pour le choix d’un film, une sortie, une rentrée tardive de l’un ou de l’autre », reconnait Guylain. Surtout depuis qu’ils ont décidé de faire case commune, un an après leur rencontre. « Mutualiser, cela nous a permis de faire des économies et de pouvoir mieux profiter de la vie, mais il a fallu apprendre à faire des concessions, à laisser de l’espace de liberté à l’autre pour gérer sa vie sociale parce qu’on ne devient pas forcément ami intime avec les amis de quarante ans de son nouveau conjoint », analyse Denyse. Avec une certaine pertinence.

*Les prénoms ont été changés à leur demande.

Sonia Picard / www.formeetbienetre.re / Le quotidien santé de La Réunion